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Quand je le lis, il est là

3 avril 2012johnRevue PRESSE

« Quand je le lis, il est là »

Biographies hospitalières pour personnes gravement malades

Passeur de mots, passeur d’histoires®

Depuis près de cinq années maintenant, nous proposons à des patients gravement malades suivis dans le service d’oncologie de l’hôpital Louis Pasteur de Chartres, de se raconter et de recevoir le livre de leur vie.

Cette démarche singulière et pilote de biographies hospitalières est née d’un constat qui s’est imposé il y a quelques années, une mort devenue obscène (en dehors de la scène) et une transmission familiale qui peine à se faire une place face aux rapides évolutions sociétales et technologiques. Très vite ce constat a glissé vers une intuition-hypothèse qui a été pour la biographe que je suis de plus en plus persistante : et si se raconter, laisser trace de sa vie avant de mourir soulageait la souffrance existentielle ? Et si lorsque les minutes en comptent cent, de s’inscrire dans un projet, projeter un avenir donnaient l’espoir et le souffle qui aident à trouver du sens à ce temps limité ?

Pleine de la naïveté du débutant, j’ai donc proposé mon projet au service de cancérologie de l’hôpital de Chartres. Une équipe en réflexion, attentive, s’inscrivant (même à contre courant) dans la lignée d’une médecine humaniste, celle qui humblement reconnaît lorsqu’elle ne peut plus guérir mais qui continue toujours et encore à soigner, à prendre soin. Ils ont très vite supposé les bénéfices pour leurs patients, les proches mais aussi pour…eux.

Nous avons donc ensemble expérimenté, marché pas après pas…en trébuchant parfois notamment en voulant aller plus vite que le Temps (revenir faire des séances le week-end parce que l’état du malade se dégradait….présomptueux et vain !) mais nous relevant toujours plus riches, conscients que ce qui se passait nous dépassait.

Que dire face au large sourire d’un enfant de 6 ans qui reçoit le livre de son jeune père mort et qui découvre son prénom en déchiffrant la dédicace ? Que dire face à la mère qui dit « Il est là » après lecture du livre de sa fille ? Que dire de Monsieur B. qui, son livre entre les mains, n’arrêtant pas de le peser, le sous-peser et de dire enfin « C’est étrange d’avoir sa vie dans le creux de sa main » et qui quelques jours plus tard revient en disant « C’est passionnant » alors qu’il était convaincu d’avoir eu une vie « fade et petite »…. ? Comment se situer face à cet autre homme, suicidaire, qui ne ratera plus jamais une seule de ses séances biographiques et à cette jeune femme en phase très avancée de son cancer, déficiente mentale, qui s’accapare le projet au point de garder le cahier de notes et de ne plus s’arrêter d’écrire jusqu’au jour précédant sa mort ?…

Près de quarante-huit biographies plus tard, ce sont ces femmes et ces hommes de 25 à 90 ans, diplomate ou ouvrier agricole, catholique ou athée, qui a leur façon ont apporté chacun leur pierre à l’édifice. L’un en impulsant les pages blanches à la fin du livre pour que l’histoire continue, l’autre en confirmant la trame narrative, l’autre la construction chronologique, d’autres en soulevant des questions éthiques à l’équipe : doit-on poursuivre une chimiothérapie pour donner plus de « chance » à la personne de pouvoir continuer sa biographie et lui permettre de donner le sens qu’elle souhaite au temps qui lui reste à vivre ?

Tout a sédimenté lentement dans une attention et réflexion constantes même si des présupposés subsistent depuis le début : la volonté d’offrir les livres (de très belle facture) ; de travailler en collégialité avec nos différences et complémentarités disciplinaires, le biographe n’est pas psychologue, médecin ou bénévole accompagnant ; de s’inscrire dans un projet de service pour instaurer une démarche participative de chacun et de mettre tout en œuvre pour transposer cette nouvelle démarche dans d’autres institutions et vers d’autres pathologies.

Et nous nous y employons ardemment…recherche qualitative en cours pour définir les spécificités de la biographie hospitalière en regard croisé avec psychologue et sociologue ; mise en place d’un guide référentiel ; formation de biographes « passeurs » ; publications à venir et conférences en France et à l’étranger pour informer et échanger.

 

Aujourd’hui, la démarche suit donc peu ou prou ces modalités : pas plus de quatre biographies simultanément, elle se déroule en toute confidentialité au lit du patient ou dans le bureau du biographe pendant une hospitalisation (de courte durée en hospitalisation de jour ou de longue durée) mais aussi en dehors des traitements ; l’information de la biographie est donnée à chacun (sous forme d’affichette dans les chambres, dans la salle d’attente et dans un classeur de soins) mais c’est le plus souvent le médecin qui propose la démarche suite à des propos entendus ou à son ressenti, démarche qui est parfois refusée et rarement interrompue sciemment. Le temps de l’entretien est de 30 à 60 minutes, avec un fil conducteur chronologique qui commence aux grands-parents et une prise de notes en colloque singulier ou avec des proches associés. En moyenne 8 à 10 séances sont nécessaires avec très peu de retour sur la séance précédente et aucune retranscription au fur et à mesure, parfois même une seule séance (la « bio minute » comme un médecin la définit dans le service) a tout autant de pertinence même si le récit est à peine ébauché. Néanmoins, le maximum revient à Monsieur G. qui avec ses 31 séances défie toutes les statistiques !

Lorsqu’il y a une dernière séance, elle est dédiée à une sorte d’inventaire à la Prévert avant l’étape de la transcription qui se veut la plus fidèle possible aux paroles prononcées. Ensuite le manuscrit est remis à la personne pour qu’elle le corrige et si elle n’est pas en mesure de le faire (décès ou altération) il est mentionné sur la page de garde du livre que le livre n’a été ni lu ni corrigé par son auteur. Le nom du tiers, du transcripteur-biographe ne figure pas. Le texte est mis en page, les photos ajoutées et le tout est confié à un relieur d’art pour deux exemplaires qui seront remis à la personne ou à un proche désigné, accompagné d’un cédérom avec le texte, du cahier si aucune modification n’a été apportée. Le biographe est un passeur, il ne garde rien. Ces fragments d’histoires rapportées ne sont pas sienne et risqueraient à terme sinon de prendre beaucoup de place !

Il reste à ce jour encore beaucoup de questions qui nous interrogent : est-ce nécessaire de conserver un exemplaire pour archivage (visée socio-anthropologique, psychologique…)? Est-ce un soin ? Que faire des livres qui ne sont pas demandés ?…

Si aujourd’hui, l’hôpital de Chartres assure une quotité importante de mon activité (CDI 60%) et l’association du service d’oncologie (AERAO) le temps restant, c’est peut-être le signe que cet adage africain « Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens » fait toujours sens et qu’une certaine médecine considère encore l’individu avant le malade.

Juste une histoire d’humanité…

 

Contact :Valéria Milewski, biographe hospitalière

Association Passeur de mots, passeur d’histoires®

vmilewski@ch-chartres.fr

 

 

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